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La situation et les dérives actuelles
La crise sanitaire de la covid-19 et l’affaire Orpéa ont mis en évidence l’urgence d’agir pour un meilleur accueil et un meilleur traitement des personnes âgées dépendantes.
Mais en dehors des mauvais soins apportés aux résidents, un autre phénomène est moins connu : les épargnants qui ont investi dans le développement de ce secteur d’intérêt général sont eux aussi victimes de pratiques offensives de la part de certains exploitants.
Ayant au départ décidé d’opter pour un investissement non spéculatif encouragé par l’État, nombre d’entre eux voient aujourd’hui leur patrimoine menacé par le comportement de certains promoteurs-exploitants de résidences, et se retrouvent exposés à des procès longs, coûteux et aléatoires.
Dans ce contexte, c’est le financement des Ehpad privés qui est en péril.
Ainsi, engagée dans une démarche de transparence, l’Ascop-Ehpad souhaite mettre en évidence les montages complexes et les mauvaises pratiques des exploitants privés ainsi que les lacunes de la législation actuelle qui leur permettent d’agir en toute impunité. Alors que les besoins du secteur augmentent, il est urgent d’assurer et de sécuriser le financement des Ehpad par une meilleure régulation économique et dans une démarche de qualité globale.
Mobiliser l’ensemble des parties prenantes (constructeurs-promoteurs, exploitants, épargnants-investisseurs, instances publiques) nécessite de s’appuyer sur une vision objective de la situation, de responsabiliser les acteurs concernés et de sécuriser le modèle économique en rééquilibrant les rapports de forces entre acteurs, à l’aide d’une législation revue et adaptée.
Quelques données économiques :
• Il y a aujourd’hui environ 620.000 chambres d’Ehpad en France et un besoin d’au moins 100.000 chambres supplémentaires dans les 10 ans à venir.
• Le secteur privé exploite environ 25 % des établissements et assure l’essentiel de la croissance.
Sur la partie privée :
• Environ 50 % des chambres (75.000) sont détenues actuellement en direct par 25 à 30.000 petits épargnants appartenant à la classe moyenne (artisans, commerçants, professions libérales...). La plupart ont investi dans le but de s’assurer un complément de revenus pour leur retraite.
• Cela représente un patrimoine investi de plus de 10 milliards d’euros.
• Sur ce patrimoine, nous estimons la perte « sèche » subie par ces épargnants à la suite de l’abandon brutal de 40-50 établissements par les exploitants, à plus de 300 millions d’euros depuis 10 ans, et ce montant s’accroît probablement de près de 30 M€ chaque année.
A l’origine des problèmes rencontrés se trouve un modèle économique déséquilibré et faussé dès l’origine
Lors de la vente initiale :
Des promoteurs, appartenant généralement au même groupe que l’exploitant, achètent des résidences (souvent d’anciennes maisons de retraite), et les revendent en lots « à la découpe » à des petits épargnants. L’exploitant acquiert certaines parties communes.
La vente se fait à des prix très élevés par rapport au marché immobilier local, typiquement de 120.000 à 200.000 euros pour une chambre de 15 à 20 m², soit 7.000 à 10.000 euros/m² (ce qui va ensuite affecter le prix des loyers, et donc le prix de la chambre facturée au résident).
La vente est faite via des intermédiaires, essentiellement des conseils en gestion de patrimoine, dont les commissions sont également très élevées, et qui ont donc une forte incitation à passer sous silence les risques éventuels de l’investissement.
Cette approche, très répandue lors de l’essor des groupes d’Ehpad privés dans les années 2000 (à l’exemple de GDP Vendôme repris ensuite par DomusVi), pourrait se répéter à nouveau lors de la revente d’Ehpad, 20 à 25 ans après leur construction, notamment si ces bâtiments sont
jugés inadaptés et inadaptables aux normes en vigueur.
L’investissement est présenté comme un placement « clé en main » sans souci avec un bon rendement (de l’ordre de 5 %), et des arguments bien rôdés : marché très porteur (besoin très fort de lits d’Ehpad lié au vieillissement de la population), loyers garantis avec un bail ferme de 9 ans, aucun frais additionnel à prévoir (travaux pris en charge par le locataire exploitant), syndic de copropriété fourni et pris en charge par l’exploitant, etc.
Ni les promoteurs-vendeurs, ni les intermédiaires, ni les notaires, ni les banques (souvent parties prenantes au dispositif via l’octroi de prêts), ni l’exploitant qui signe le bail, ne les informent des risques encourus, notamment du départ possible de l’exploitant à l’issue du bail avec le transfert des autorisations, la perte du statut d’Ehpad, et donc de la valeur du bien.
Les autorisations d’exploitation :
Les autorisations d’exploitation sont accordées par l’ARS et le conseil départemental uniquement à l’exploitant et en général pour une durée de 15 ans (donc supérieure au terme du bail commercial de 9 ans).
Les épargnants qui ont acheté très cher une chambre d’Ehpad, pour une exploitation en Ehpad, n’ont aucun droit sur cette autorisation.
Par ailleurs, aucun droit n’est attaché à l’immeuble.
A l’issue du bail, l’exploitant peut donner congé et demander à l’ARS le transfert de ses droits d’exploitation vers un autre établissement. Les copropriétaires des locaux ne sont pas consultés et n’ont aucun moyen de s’opposer à ce transfert.
Les travaux et l’état de la résidence :
Les ARS accordent des autorisations d’exploitation en Ehpad moyennant la mise en conformité des locaux (pour les immeubles anciens).
Cela étant, les ARS effectuent ensuite des contrôles sur les prestations de soins, mais non sur la qualité du bâti ; ainsi, dans certains cas, les travaux qui ont conditionné l’autorisation d’exploitation en Ehpad d’une ancienne maison de retraite, n’ont pas été effectués ou
seulement partiellement.
Dans de nombreux cas, l’exploitant effectue un entretien a minima des locaux, et assez souvent les laisse se dégrader, notamment quand il envisage un départ. Or, il est évident que la dégradation éventuelle des locaux affecte la qualité de vie des résidents.
Les copropriétaires peuvent mandater des audits des bâtiments (auxquels l’exploitant s’oppose d’ailleurs parfois en AG de copropriété), mais si l’exploitant refuse de les réaliser, leur seul recours est de les assigner en justice.
Les baux :
• Les baux sont des baux commerciaux, mal adaptés à ce contexte.
• Ils sont en général de 9 ans ferme, sans aucune obligation au-delà.
• Aucune indemnité n’est prévue dans le cas où l’exploitant quitte les lieux et emporte avec lui les autorisations d’exploitation.
Les congés :
A l’issue de la période de bail ferme, l’exploitant peut passer en bail précaire par tacite reconduction sur base triennale (c’est un cas très fréquent aujourd’hui). Il peut également demander une baisse drastique de loyer - de 25 à 50 % - en menaçant à défaut de quitter la
résidence, ou il peut décider d’emblée de donner congé et partir avec ses droits d’exploitation moyennant un préavis de 6 mois.
Il laisse dans ce cas un bâtiment vide sans possibilité d’être exploité en Ehpad.
La reconversion du bâtiment est coûteuse, difficile voire, dans certains cas, impossible dans des conditions économiques acceptables du fait des spécificités Ehpad.
Le bâtiment est assez souvent en mauvais état, l’exploitant n’ayant pas effectué les travaux nécessaires.
Les copropriétaires se retrouvent donc avec un bâtiment vide, un bien ayant perdu l’essentiel de sa valeur, la perte de loyers qui sont très souvent un complément de retraite, et parfois des remboursements d’emprunt qui restent à effectuer. Un grand nombre sont ainsi dans une
situation dramatique.
Les copropriétaires n’ont aujourd’hui aucun moyen légal pour s’opposer à ces pratiques, et ne peuvent que mener des procès longs et coûteux, avec des moyens et des résultats très limités.
Les propositions de l’Ascop-Ehpad pour assainir le secteur
Mobilisée depuis 2010 auprès des petits épargnants investisseurs, l’Ascop-Ehpad s’emploie à élaborer des solutions d’intérêt général pour participer au développement d’une « silver économie » citoyenne, éthique et responsable.
L’Association a rédigé récemment un plaidoyer détaillé exposant ses propositions et les changements législatifs souhaités pour assainir et sécuriser le modèle économique du secteur afin de continuer à assurer l’investissement privé au service de l’intérêt général.
De façon résumée, nos principales propositions sont les suivantes :
Lors des nouvelles ventes
• Renforcer le devoir d’information pour tous les acteurs concernés, et notamment les intermédiaire (banques, conseils en gestion de patrimoine, plateformes d’achat-revente...), mais aussi les notaires et les prêteurs.
• Encadrer autant que possible les prix de vente pour coller à la réalité économique et également réduire le reste à charge pour les résidents (notre estimation est qu’une réduction de 200-300 euros/mois sur les loyers et donc de 10 à 15 % du « reste à charge » serait possible).
Evidemment cela ne pourra s’appliquer pour le parc existant.
Les travaux et l’état de la résidence :
• Homologuer l’établissement en tant qu’Ephad avec le droit afférent (cf. ci-dessous), en termes de conformité et de qualité de l’immeuble (pour les bâtiments anciens transformés en Ehpad ou en cas de changement d’exploitant).
• Mettre en place un contrôle règlementaire périodique obligatoire des bâtiments en termes de conformité aux normes Ehpad et d’état général des bâtiments (sous tous les aspects extérieurs et intérieurs) tous les 4 ou 5 ans, avec une obligation de réaliser les travaux pour les copropriétaires et/ou l’exploitant selon les cas (et sanctions en cas de défaut).
Les autorisations d’exploitation et les « congés » :
• Mettre en place une habilitation « Ehpad », attachée au bâtiment, pour une durée au moins similaire à celle des droits d’exploitation (15 ans minimum), permettant aux copropriétaires de rechercher un nouveau locataire exploitant en cas de départ d’un exploitant.
• Assurer un meilleur encadrement des procédures de transfert d’autorisation d’exploitation des lits dans une démarche de responsabilisation des acteurs et de développement durable, notamment :
- Obliger l’exploitant à justifier de façon précise et argumentée les raisons de l’abandon de la résidence ;
- Instaurer une instance de concertation tripartite Exploitant - Copropriétaires - ARS pour rechercher des solutions alternatives, notamment en cas de travaux lourds à réaliser.
• Mettre en place une obligation d’indemnisation des copropriétaires en cas d’abandon nécessaire et justifié d’une résidence, par exemple via la mise en place d’un fonds de solidarité (et/ou d’une garantie financière) et par la mise en place d’une expertise contradictoire et exécutoire.
Les baux (ou autre type de contrat de location) :
• Evoluer vers un cadre contractuel spécifique à l’investissement en Ehpad, par exemple :
- Allonger la durée des contrats, avec un minimum de 20 ans ferme en cohérence avec l’habilitation Ehpad et le statut fiscal des biens achetés.
- Lier le contrat de vente, le contrat de crédit immobilier et le contrat de location en prévoyant une opération indivisible.
L'Ascop-Ehpad dénonce les pratiques de certains grands groupes de promoteurs-exploitants (DomusVi, Orpéa, Korian…), locataires de ces biens immobiliers qui remettent en cause les baux qu'ils ont rédigé et fait signer aux investisseurs particuliers au moment de la vente de chambres d'ehpad.
Cette situation conduit bien souvent à la perte totale de l’épargne des personnes concernées tout en affectant, parfois de manière importante, la qualité de vie des résidents de ces établissements.
Sources : DREES, Insee, données sectorielles, entretiens experts, analyses et estimations faites par l’Ascop-Ehpad de manière conservatrice.